Yémen : un peuple otage des lourds enjeux géopolitiques
- Louise Vignalou
- 14 janv. 2018
- 4 min de lecture
On commence enfin à entendre parler de la guerre qui déchire le Yémen, ce jeune pays situé au Sud de la péninsule arabique, entre l'Arabie Saoudite et le Sultanat d'Oman ; pourtant le conflit dure depuis plus de 3 ans. La situation au Yémen est complexe : ce qui était au départ une guerre civile s’est transformé en un conflit internationalisé auquel plusieurs puissances sont mêlées.
Initialement, le conflit oppose le Président Hadi, à la tête du pays depuis 2012 suite au départ de M. Saleh lors du Printemps arabe, aux rebelles Houthis. Ces derniers sont une minorité de confession zaïdite (une branche de l’islam chiite), comme environ 40% de la population, habituellement concentrée dans les montagnes du Nord du pays.
Se sentant exclus de la vie politique du pays depuis sa réunification en 1990, ils réussissent à rallier une partie de la population et prennent contrôle de la capitale, Sanaa, en septembre 2014.
Depuis, ils se sont emparés d’autres grandes villes grâce au soutien de l’Iran, qui les fournit en armes. Ils contrôlent aujourd’hui la partie Ouest du pays, forçant le Président à se réfugier en Arabie Saoudite en mars 2015.
D’abord alliés de l’ancien Président Saleh, qui souhaitait comme eux la démission de celui qui l’a remplacé, les Houthis et les partisans de l’ex-dirigeant, combattaient ensemble les forces de l’Etat. Saleh s'est finalement rallié, il y a quelques semaines, au gouvernement, mais a été assassiné par les rebelles.
Cependant, la nature de la guerre au Yémen se complique lorsqu’une coalition de pays sunnites, menée par l’Arabie Saoudite, bombarde en Mars 2015 plusieurs positions houthies. Cette coalition (constituée de pays du Golfe comme Bahreïn, le Koweït, les Émirats Arabes Unis et le Qatar mais aussi de la Jordanie, de l’Egypte, du Soudan et du Maroc) mène depuis avril 2015 une opération au nom quelque peu mal choisi, « Restaurer l’espoir », qui a pour but de rendre le pouvoir au Président Hadi et d’arrêter la progression houthiste.
Le Yémen devient alors le théâtre des tensions entre Arabie Saoudite et Iran, qui s’affrontent indirectement dans le cadre de leur lutte d’influence dans la région. Le royaume craint la création d’un arc chiite au Moyen-Orient si les Houthis prennent le pouvoir, mais souhaite aussi défendre ses intérêts géopolitiques. En effet, le Yémen partage une frontière terrestre avec les pays du Golfe et une frontière maritime avec la corne de l’Afrique où il contrôle un détroit stratégique de la route du pétrole, celui de Bab el-Mandeb, que se disputent les deux plus grands pays exportateurs de la région.
Les Yéménites endurent donc, depuis plus de 3 ans, la violence de la coalition et des rebelles qui violent en permanence les droits de l’homme, plongeant ainsi le pays dans une crise humanitaire. On compte, selon l’association Amnesty International, plus de 12 000 morts et blessés.
La coalition menée par l’Arabie Saoudite vise directement les civils en attaquant hôpitaux, écoles, marchés et mosquées, avec des armes prohibées et particulièrement dangereuses pour les populations, telles que les bombes à sous-munitions, qui n’explosent pas instantanément.
Les rebelles, eux, enrôlent des enfants dans leurs forces armées et envoient au front et vers la mort des petits âgés d’à peine 10 ans.
De plus, le conflit a considérablement fragilisé le pays, déjà sous-développé, qui connaît aujourd’hui la plus importante épidémie de choléra de l’histoire moderne. Il y aurait à ce jour près d’un million de malades, contaminés par un accès à l’eau saine rendu difficile et mal soignés à cause du mauvais fonctionnement des hôpitaux. Cette épidémie et la malnutrition sont aggravées par le blocus terrestre, aérien et maritime organisé par la coalition, qui empêche l’acheminement de nourriture et de médicaments des associations humanitaires.
En dépit de la situation déplorable dans laquelle se trouve le Yémen, la guerre semble se dérouler dans l’indifférence générale. Si cette guerre, souvent qualifiée d’«oubliée», est de plus en plus médiatisée, le désintérêt des grandes puissances est frappant.
Seules certaines associations humanitaires paraissent préoccupées par le sort du Yémen. Pourtant, les pays occidentaux sont eux aussi impliqués ; pas de la manière dont on pourrait l'espérer toutefois.
En effet, la plupart des armes qui bombardent chaque semaine des civils Yéménites proviennent d’entreprises occidentales : les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la France s'avèrent être les principaux fournisseurs d’armes de l’Arabie Saoudite.
Ces soi-disant “pays des droits de l’homme” font ainsi primer leurs intérêts économiques sur la sécurité et la liberté des peuples qu’ils prônent pourtant. L’ONU mène tout de même une enquête sur la violation des droits de l’homme et un rapport devrait être rendu en début d’année.
Pourtant, il est dans l’intérêt général de mettre fin à cette guerre. Il est impératif de faire respecter la sécurité des populations et les droits de l’homme par lesquels l’on ne cesse de jurer.
De plus, le détroit de Bab-el-Mandeb est un lieu important par lequel passent de grands axes maritimes : une trop grande instabilité politique pourrait fortement altérer le commerce international.
Enfin, dans un pays comme le Yémen où les organisations terroristes islamistes sont déjà implantées, la guerre civile et le désordre politique sont propices à l’activité de ces groupes, qui peuvent recruter et contrôler leur territoire plus facilement.
Le Yémen est un pays idéalement situé, au patrimoine culturel riche et à la population importante et jeune. Il faut favoriser son développement en agissant pour restaurer la paix. Il est donc temps que ce conflit, qui n’engendre que mort et destruction, cesse.

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