Acquisition de terres agricoles en Afrique, prochain grand scandale ?
- Mohamed El mrini
- 11 nov. 2017
- 2 min de lecture
On connaissait l'intérêt vital d'un certain nombre de pays pour les ressources énergétiques comme le pétrole. Intérêt qui a façonné la politique étrangère, notamment américaine, à travers le monde. Mais depuis la crise alimentaire de 2008, un nouveau phénomène s'est accéléré et semble s'inscrire dans la durée : l'acquisition de terres agricoles à travers le monde par des pays ou des grandes compagnies multinationales.
A cette crise alimentaire se sont ajoutés d'autres paramètres, tels que la croissance de la population mondiale, l'augmentation des prix des matières premières, le développement des bio-carburants et, beaucoup plus inquiétant, la spéculation financière. Les terres agricoles, où qu'elles se trouvent, sont devenues des investissements à fort potentiel pour l'avenir. Mais malheureusement, comme une sorte de fatalité, le continent qui concentre la majorité des transactions se trouve être l'Afrique, devant l'Asie et l'Amérique du Sud.
Selon le dernier rapport de l’international land coalition, une ONG initiée lors d’une conférence sur la faim et la pauvreté à Bruxelles en 1995 , depuis un peu plus de dix ans, 80 millions d'hectares ont été achetés, dont 55 millions d'hectares en Afrique, 17 millions en Asie et 7 millions en Amérique Latine. Pour le cas du continent Africain, cela représente près de 5% du total des surfaces cultivables. Soit plus que la superficie de la France ! Les principaux pays concernés sont ainsi la République Démocratique du Congo, la Zambie, le Soudan, Madagascar, La Tanzanie, l'Ethiopie et le Mozambique. Généralement, ce sont des pays pauvres, mais qui garantissent au maximum les investissements. Les profils des acquéreurs sont très divers : nous trouvons des pays émergents tels que la Chine et l'Inde, mais également des pays plus développés comme la Corée du sud, les pays du Golfe ou même Israël.
Cependant, ces acquéreurs se trouvent également être des fonds d'investissement, des multinationales de l’agroalimentaire et, plus inquiétant peut-être, les désormais célèbres hedges funds (ou fonds spéculatifs) dont le seul but est un rendement à deux chiffres quelles qu'en soient les conséquences. On assiste ainsi à des paradoxes cyniques, comme l'achat de terres par l'Inde en Ethiopie pour cultiver du riz destiné à être réexporté, alors que le pays est souvent sujet à des famines meurtrières. Il est permis de se poser la question de savoir si les populations locales ont connaissance de ce phénomène récent aux conséquences non encore déterminées et surtout de savoir si elles approuveraient ces transactions au risque de se retrouver un jour privées de l'essentiel : la possibilité de se nourrir. Il est grand temps de porter à la connaissance du plus grand nombre de ceux qui sont directement concernés aujourd'hui et de ceux qui risquent de l'être demain, que les enjeux sont cruciaux. Ceux qui, par leur complicité, contribuent au développement de cet accaparement doivent comprendre que la prise de conscience est là et que les peuples ne vont pas tarder à comprendre de quoi il retourne. C'est une question d’honneur et de dignité.

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