La musique spirituelle à Fès
- Amir Ben Elarbi
- 1 nov. 2017
- 3 min de lecture
Réfléchissez. Si après l’extinction de l’humanité (noyée dans ses propres larmes après le retour de Keen’V), des aliens venant à la rencontre des vestiges de notre civilisation étaient amenés à trouver un livre et une partition de musique, laquelle de ces deux écritures considéreraient-ils alors comme notre moyen de communication ?
D’un côté se trouve un artefact manuscrit, regroupant une foule de caractères complexes qui diffèrent selon l’endroit dans lequel on se situe sur le globe et dont la compréhension est exclusive à une tranche limitée d’individus ; en outre, à une peuplade bien spécifique. Et, d’un autre côté, on a quelques signes rudimentaires dispersés élégamment sur un panel de 7 cordes, dont le déchiffrage s’avère être universel, dont l’appréhension paraît dépasser les barrières culturelles et ethniques. Si bien que nous pouvons affirmer sans l’ombre d’un doute que les extraterrestres jetteraient leur dévolu sur l’exaltation de l’ouïe plutôt que sur l’écriture en tant que telle.
Mais il n’y a pas besoin d’attendre la venue du 3ème type pour rendre compte du côté rassembleur de l’Art.
Le 10 juillet s’est déroulé, dans une petite ville marocaine, le festival musical ‘’Toboul’’, regroupant des percussionnistes des 4 coins de la planète. Plus communément appelé ‘’Festival des tambours’’, ce ne sont pas moins de 150 artistes qui se sont rassemblés pour l’événement. Parmi eux, des Brésiliens, des Sénégalais, des Français, des Russes, des Américains, et j’en passe.
Le même événement s’est produit à Fès ; seulement, cette fois-ci, il s’agissait du festival des "Musiques sacrées du monde", où l'on retrouve une pluralité d'origines ethniques des différents musiciens qui se sont unis pour évoquer la spiritualité au travers de leur instruments.
De l’Hindouisme à l'Animisme en passant par l’Islam, ce choc culturel entraîne l’engouement d’une foule tout aussi belle dans sa diversité que les différents groupes présents sur scène. Les individus composant le public, aussi différents soient-ils, partagent dès lors un moment qui ne peut les laisser indifférent.
Peu se ressemblent mais tous se rassemblent autour d’une mélodie qui les emporte dans une mouvance commune. Une valse qui mêle chacune des essences particulières de cette agora cosmopolite en un tourbillon multicolore.
La musique, en plus de transmettre une émotion dont l’appréhension se veut être globale, est également porteuse d’une mission bien plus spécifique, à savoir la création d’un langage atypique, ‘’La Langue Musicale Universelle’’, aussi appelé le ‘’SolReSol’’.
Le professeur Sudre, alors professeur de musique à Paris, décide de créer, au 19ème siècle, une manière de communiquer à distance, à l’aide d’un Clairon. Son invention donnera d'ailleurs naissance à la téléphonie...
Le principe est simple. On associe des notes pour faire des mots. Par exemple, "Bonjour" donne ‘’DoSolFaSi’’. Ce langage est pourvu d’une grammaire et d’une conjugaison spécifiques. Aussi, pour mettre sa phrase au passé, il faut jouer deux "Ré" rapidement, et, pour évoquer le futur, il faudra encore jouer deux "Ré", mais plus doucement.
L’apprentissage de cette langue disparue et peu connue du grand public est toujours possible : il suffit de se procurer le livre de François Sudre, ‘’Le livre de la langue musicale universelle’’, et de s'armer d'un peu de patience.
Cette réflexion nous amène donc à considérer le caractère transfrontalier de la musique comme étant un formidable moteur dans le dépassement de nos préjugés et l’acceptation d’autrui. La musique tend à unifier notre monde, là où, aujourd’hui, l’isolationnisme et la peur font rage. Peut-être faut-il voir en une flûte ou une guitare la clef pouvant nous faire nous ouvrir à l’autre. Peut-être que la fracture sociale, les divisions ayant ravagé l’humanité, et tous ces maux, peuvent trouver remède dans une simple mélodie.

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