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Un nouveau génocide ?

  • Anissa EL MRINI
  • 30 oct. 2017
  • 5 min de lecture

Le peuple Rohingya, minorité la plus persécutée au monde selon l'ONU, considéré comme apatride dans son propre pays, est contraint aujourd'hui de fuir la Birmanie.

Les Rohingyas constituent en effet une minorité musulmane, au sein d'un pays à majorité bouddhiste, victime de discriminations depuis plus de 20 ans : des femmes et des jeunes filles y subissent des agressions et viols de masse (certaines finissant même par succomber à leurs blessures), des rapports évoquent les exécutions injustifiées de professeurs, de dirigeants locaux et de personnes âgées, des paysans sont enfermés chez eux pour y être ensuite brûlés vifs, des villages sont décimés par des hélicoptères qui les arrosent de balles...

On assiste, en clair, à tout un tas de scènes horrifiantes, accumulant les pires scénarios de guerre connus à ce jour.

Et si cela ne suffit pas à vous indigner, reste encore l'histoire de cette femme, qui, alors qu'elle accouchait, a été battue par des soldats, et son nouveau-né piétiné sous ses yeux, rapport de l'ONU à l'appui.

La raison ?

Une loi birmane, datant de 1982, héritée de la force militaire, stipule que seuls les groupes ethniques pouvant attester de leur présence avant la colonisation britannique, soit avant 1823, seront considérés comme citoyens. Selon les autorités, les Rohingyas seraient effectivement arrivés pendant la colonisation, ce qui les prive d'office de tous les droits, même si les principaux intéressés font remonter leur présence au 15ème siècle, lorsque des marchands bengalis, arabes, mongols et turcs se déplaçaient avec leurs caravanes à travers les différentes routes commerciales du continent et pouvaient parfois s'établir au sein du pays.

La Birmanie, qui regroupe près de 135 ethnies différentes, considère ainsi la minorité comme indigne, ne pouvant être comptée parmi le peuple birman, et se trouve volontairement exclue de la Société, ce qui entraîne alors de fortes tensions communautaires, créant des scènes de violence inouïes, telles que nous les avons vues plus haut, toujours plus intenses.

Suite à cette escalade de violence et d'inhumanité, une organisation armée de défense des Rohingyas a été créée en Octobre 2016 : l' "Armée de Secours aux Rohingyas de l'Arakan" (Arsa). Celle-ci vise à protéger la minorité des abus dont elle est victime, de manière plus ou moins vive, et pour la première fois de manière armée. Très vite, l'organisation a été qualifiée par le gouvernement de terroriste, et des opérations ont alors été menées contre elle afin d'empêcher son développement à travers le pays. Les affrontements d'Octobre 2016, qui opposaient justement l'armée birmane à l'organisation, avaient contraint des milliers de villageois à fuir, l'armée ayant alors été accusée d'exactions contre les civils.

Le 25 Août dernier, de nouveaux affrontements opposaient les deux mêmes entités, suite à l'assaut de postes de police birmans par l'Arsa, qui ont fait 12 morts du côté policier, avant que les rebelles n'aient été tués à leur tour. Ceux-ci ont été sévèrement réprimés, l'armée ayant immédiatement lancé une campagne extrêmement violente de représailles sur la population civile Rohingya, provoquant incendies et destructions de villages, dans l'Etat d'Arakan, où vit la minorité, et qui, offrant un accès à l'Océan Indien, est devenu un enjeu économique crucial pour le gouvernement, qui n'hésite pas à le débarrasser de ses gênants habitants.

Ainsi, depuis la fin du mois d'Août , près de 500 Rohingyas auraient été tués, et plus d'un demi-million de civils ont été contraints de se réfugier au Bangladesh, pays voisin de l'Etat d'Arakan. Cet exode forcé les mène dans des camps de fortune au sein desquels la situation sanitaire est désastreuse, et les autorités bangladaises se disent dépassées.

La Première ministre bangladaise Sheikh Hasina a d'ailleurs déclaré, lors de sa visite d'un des camps mardi 12 septembre, que "La Birmanie se doit de faire revenir tous les Rohingyas qui ont fui au Bangladesh", et exhortait "vivement le gouvernement birman à cesser cette violence à l'encontre de ces innocents".

Mais celle qui se trouve aujourd'hui au coeur d'une immense polémique n'est autre que la lauréate du Prix Nobel de la Paix 1991, Aung San Suu Kyi. Assez paradoxal, non ?

En effet, la "Dame de Rangoon", qui, face aux persécutions, faisait preuve d'un courage et d'une détermination qui ont marqué le monde entier, l'élevant presque au rang de modèle pour l'Humanité, lui ayant valu son fameux Prix, voit aujourd'hui s'attirer contre elle les foudres de la presse et de la communauté internationale.

Que peut-on alors reprocher à une partisane de la justice, une garante de la Paix ?

Tout simplement son barrage à cette fameuse "Paix", son inaction, son laisser-faire, face à de telles injustices : en plus de n'avoir que faire des appels lancés par des représentants des Nations Unies qui souhaitent mener des enquêtes sur les traitements réservés aux Rohingyas, son gouvernement, accusant les équipes de secours de venir en aide à des "terroristes", empêche toutes les organisations humanitaires de proposer, aux personnes isolées et persécutées, des colis d'eau et de nourriture, ou de médicaments. Une belle démonstration de tolérance et de sagesse, n'est-ce pas ?

Mais alors, quelles raisons peuvent pousser cette honorable femme à garder le silence, à se porter complice d'un "nettoyage ethnique", comme le qualifie l'ONU ?

Tandis que des prétextes sont trouvés à sa conduite désastreuse, comme le fait qu'agir en faveur des Rohingyas permettrait potentiellement aux militaires de resserrer leur emprise sur l'Etat, ou pourrait compromettre ses relations avec le grand voisin Chinois, l'on ne cesse de ressortir, comme un lointain souvenir, les paroles autrefois prononcées par la chef du gouvernement : "Ce n'est pas le pouvoir qui corrompt, c'est la peur. La peur de perdre le pouvoir finit par corrompre ceux qui le détiennent".

Effectivement, et quelle belle idée de cette vilaine corruption ne nous donne-t-elle pas !

Car en effet, les prochaines élections ne sauraient tarder, et, quelle idée que de soutenir une communauté exécrée, lorsque, des voix, en vain, l'on tente de chercher ?

Face à la léthargie de la Grande Dame, de nombreuses pétitions ont vu le jour, un journaliste du quotidien Anglais "The Guardian", George Monbiot, attribuant ainsi à son article un titre on ne peut plus clair, 'Retirons le prix Nobel à Aung San Suu Kyi', le 5 septembre dernier, qui a fortement marqué les esprits, rassemblant derrière lui des centaines de milliers de personnes.

Les massacres, longtemps passés sous silence, ont enfin éclaté au grand jour, ayant subitement alourdi la conscience du monde, et pris un peu plus de place dans la presse et les médias à l'international, faisant la une du quotidien Français "Le Monde", ou du célèbre hebdomadaire Américain "Time", qui titrait 'La honte Birmane'.

Les homologues de madame Suu Kyi, eux aussi "garants de la Paix", ont ainsi pris la parole pour dénoncer la condition des Rohingyas ; Malala Yousafzai, plus jeune lauréate du Prix Nobel de la Paix en 2014 à seulement 17 ans, a ainsi déclaré à propos de la minorité : « Ces dernières années, je n'ai cessé de condamner le traitement honteux dont ils font l'objet. J'attends toujours de ma collègue prix Nobel Aung San Suu Kyi qu'elle en fasse de même ».

Le 14ème Dalaï Lama, Tenzin Gyatso, Prix Nobel de la Paix 1989, s'est également exprimé dans une lettre directement adressée à Aung San Suu Kyi : «Je vous appelle vous et vos collègues à tendre la main à toutes les composantes de la société pour tenter de rétablir des relations amicales au sein de la population dans un esprit de paix et de réconciliation».

Suite à toutes ces pressions externes, celle-ci a annoncé, dans un discours, mardi 19 Septembre, avant l'ouverture de l'Assemblée Générale de l'ONU, que le pays était prêt à organiser le retour des Rohingyas, et déclaré, au nom du gouvernement : "Nous sommes profondément désolés pour les souffrances de tous ceux qui se sont retrouvés pris au piège de ce conflit".

Seulement, à la même période, l'an dernier, il se trouve qu'elle avait affirmé "s'opposer fermement aux préjugés et à l'intolérance", avec le résultat que l'on sait aujourd'hui.

Cette "politique de l'autruche", comme Amnesty international la qualifie, montre bien que l'ère de la domination militaire en Birmanie est loin d'être révolue, et les espoirs de paix autrefois bâtis sur la bonté de madame Suu Kyi semblent s'être définitivement envolés, au prix de l'existence d'un peuple.


 
 
 

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